C’est reparti
Je m’y attendais un peu mais jusqu’au bout j’ai voulu faire comme si le reconfinement n’allait pas arriver. Pour novembre j’avais programmé des belles rencontres, des rendez-vous artistiques avec ma photographe, des super soirées avec des amies (mon costume d’Halloween était presque fini, j’avais déjà sculpté ma citrouille)… Mais voilà, notre cher gouvernement en a décidé autrement.
Heureusement, malgré la bazar ces derniers temps, j’en ai quand même pas mal profité : j’ai vu mes amis, ma famille, ma grand-mère adorée et je suis partie m’aérer sur la terre de mes ancêtres. J’ai passé une semaine à me gaver de galettes au beurre salé (si vous êtes pro-beurre doux je pense que nous ne sommes pas fait pour nous rencontrer, c’est ballot, mais en tant que bretonne il y a des choses avec lesquelles je ne rigole pas) et à randonner sur la côte avec mon chien. Elle a adoré retrouver la plage, mais elle a moins apprécié le concept de la bruine. Pourtant c’est tellement magique la bruine surtout lorsque la marée est basse. On se retrouve enveloppé dans un nuage et c’est comme si l’océan et les oiseaux s’accordaient pour se taire juste un moment. Seules les gouttes qui tombent des arbres viennent rompre ce silence. J’aurais pu rester des heures assise sur ce banc mais je voyais qu’elle préférait rentrer manger des galettes. En même temps elle a le poil très long donc c’est chiant avec la pluie. Et elle est sourde donc la magie du silence ça lui passe un peu au dessus du museau.
Bref, nous sommes reparties très contentes de notre séjour.
Et puis, cette semaine j’ai commencé à sentir le vent tourner. Je me suis précipitée dans mon magasin de bougies préféré pour faire le stock. Inutile de faire comme ma meilleure amie et me dire « c’est une pandémie chérie, pas une panne électrique », je parle de bougies parfumées (j’ai une passion pour celles qui sentent le feu de bois en ce moment) et pas de cierges pour m’éclairer. Mais ça m’a beaucoup fait rire de m’imaginer déambuler dans mon appart, un chandelier à la main. Du coup, pour parfaire mon personnage, je vais vous donner quelques idées de cadeaux pour le prochain confinement. Il me faudra donc des chandeliers, des beaux, en argent, trouvés en brocante par exemple. Et aussi cette tenue, que j’appelle la « tenue de veuve éplorée » (je me suis toujours imaginée porter cela alors que les policiers viendraient m’annoncer la mort mystérieuse de mon richissime mari). Ça donnera une touche romantique à cette fin du monde.
Et si vraiment vous êtes généreux, je veux bien le château qui va avec.
J’ai enchainé avec les librairies en repensant à la discussion que j’ai eu il y a quelques temps avec l’un d’entre vous sur le fait que je me faisais violence pour ne pas tout acheter à chaque fois que j’y mettais les pieds. J’ai craqué cette fois, je suis allée à Ombres Blanches et j’ai pris des kilos de livres, il faut ce qu’il faut pour survivre à cette crise. Certaines personnes déménagent car elles n’ont plus assez de place dans leur dressing ou parce qu’elles agrandissent la famille, moi c’est parce que je n’aurai plus assez de place pour tous mes livres. Une raison de plus pour m’offrir le château que vous avez sous le coude et dont vous ne savez quoi faire.
Je suis ensuite allée faire le plein d’encre et de carnets d’écriture car je me suis remise à écrire intensément chaque matin. Noircir des pages me vide la tête et me fait beaucoup de bien. C’est un peu ma séance de méditation. Et si vous voulez tout savoir j’écris sur cette musique :
Même si je m’y attendais, jeudi j’ai eu super envie d’acheter ce magnifique fauteuil à bascule pour m’y rouler en boule et me balancer en me morfondant jusqu’à Noël.
Mais je n’ai pas craqué, je n’ai ni acheté ce fauteuil ni pleuré. A la place j’ai fait un « conseil de guerre » avec mon coach de boxe pour me remettre sur le ring (au sens figuré), j’ai écouté du Britney en boucle et j’ai noirci des pages toute la matinée. C’est pas le moment de se laisser abattre, il fallait que je réfléchisse à des solutions pour bien vivre cette mauvaise nouvelle.
Super, ravi de voir que tu vas bien mais, et nous dans tout ça ?
Je ne suis pas un commerce de première nécessité, en même temps je ne peux pas faire de l’escorting en télétravail mais faut quand même que je gagne un peu d’argent. J’avais pris mon mal en patience lors du premier confinement mais là je n’ai pas envie de perdre tout contact et de ne plus rien gagner (même si j’ai la chance d’avoir de l’argent de coté). Je ne suis pas sûre d’avoir envie de me lancer dans la webcam ou dans les conversations érotiques par SMS, ça ne me parle pas trop et je déteste faire quelque chose qui ne fait rien vibrer en moi. J’ai pensé aux photos aussi mais je suis loin, très loin d’avoir le talent de ma photographe. Et les simples photos érotiques ne sont pas ma tasse de thé (ce qui ne m’empêche pas d’aller admirer celles de mes talentueuses collègues !)
J’ai eu quelques idées :
– Réinventer les rencontres autour d’un verre
Il va être difficilement possible de se voir dans un parc ou autre avec la limite du 1km. J’ai donc songé à ce qui était autorisé et comment s’en servir. Nous pourrions nous donner rendez-vous dans un supermarché du centre ville. Quoi de plus romantique qu’une rencontre avec une escort masquée au rayon pâtes (vide) du Monop’ ? Ça changera un peu de cette image surfaite de l’escort glamour qui arpente les palaces en Louboutin.
Sinon je pensais aussi à se donner rendez-vous le dimanche pour aller faire le marché ensemble à Victor Hugo ou Saint Aubin. Ça pourrait être sympa de refaire le monde en commandant nos poireaux (je me suis réconciliée avec eux, pour le moment) ou mon kilo de fromage à raclette de chez Xavier.
– S’écrire
J’avais aussi pensé aux correspondances payantes. C’est toujours un peu problématique car où est la limite entre faire une correspondance (gratuite) avec une personne que j’ai rencontré et qui me demande de mes nouvelles (ou une personne que je dois rencontrer et qui a besoin de me parler un peu de sa vie pour voir si je peux l’aider) et demander à être rémunérée pour le temps passé à faire ça ? Peut-être que ce serait adapté pour les gens qui aimeraient discuter avec moi et qui savent qu’ils ne me rencontreront pas (cf. l’article sur « J’ai envie de vous rencontrer mais je ne veux pas payer ») ? Ou pour les gens qui cherchent juste une confidente bienveillante ? Je ne sais pas, je vous laisse me dire par mail si ça vous intéresse.
Il y a un truc qui me titille aussi depuis un moment ce sont les correspondances manuscrites. J’ai fait ça pendant quelques années avec un amant dans ma vie privée, j’écrivais des lettres, des cartes et j’allais les glisser dans sa boite à lettres. Mais il a maintenant quelqu’un et donc en plus de me briser le cœur, me voilà interdite de correspondance. Le souci dans notre cas est que je n’ai pas très envie de donner mon adresse personnelle. Une des solutions serait que j’ouvre une boite postale, peut-être que je le ferai si je vois que plusieurs personnes sont intéressées. Cependant je peux très bien vous écrire des lettres manuscrites et vous me répondez par mail. L’autre problème est que je n’avais pas anticipé cela dans mes achats pré-confinement et j’aurais bien aimé investir dans du beau papier à lettre. Je le note pour plus tard.
Je n’ai pas vraiment d’idées pour le moment sur le tarif ou la fréquence de tels échanges, je verrai si cela plait et je m’adapterai.
Bref, si vous avez des idées pour m’occuper et égayer mes journées n’hésitez pas. J’accepte même d’aller fleurir les tombes dans les cimetières vu que c’est encore ouvert, on va faire avec ce qu’on a (je suis toujours triste quand je vois des tombes « abandonnées » à coté de tombes très fleuries, ça me donne envie de leur faire un câlin et de leur dire que même si je ne les connais pas, je pense à eux. Oui c’était peut-être des cons mais c’était peut-être aussi des gens isolés qui méritent d’être autant célébrés que les autres). Déambuler entre les tombes, de nuit, avec ma tenue de veuve éplorée et mon chandelier aurait été hautement distrayant mais je ne suis pas sûre que la maréchaussée soit compréhensive avec ma lubie de romantiser un peu cette fin du monde.
Si finir en garde à vue pour avoir voulu fleurir des tombes de nuit n’est pas votre tasse de thé, vous pouvez aussi me les envoyer directement (les fleurs, pas les policiers) en vous adressant à Interflora. Ils ont créé un service où on a juste à rentrer l’adresse mail du destinataire et ça arrive directement chez moi. (Mise à jour : ayant eu quelques soucis avec eux, je ne souhaite plus faire appel à ce service malheureusement. C’était une chouette idée mais le SAV est déplorable donc j’ai laissé tomber !)
TDS et confinement épisode 2
Bon, puis pour finir vous vous doutez bien que je n’allais pas faire un article sans parler politique et situation des travailleuses et travailleurs du sexe (TDS).
Previously in « Confinement, épisode 1 » :
Grâce à vos dons (encore merci !!!) et aux aides reçues de la part de certaines structures, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros qui ont été distribués en aides directes (c’est à dire en liquide ou en bons alimentaires). Ça a pu aider plein de gens même si ça n’a rien résolu du tout. A Toulouse, Grisélidis a constaté que les personnes étaient plus nombreuses dans la rue : forcément quand on perd son job ou que les dettes de loyer s’accumulent, le TDS reste une des portes de secours possible. Ce n’est pas une surprise en fait, en temps de précarité et de crise, le nombre de personnes qui font ce boulot là augmente.
Pour rappel, dans l’épisode 1 du confinement voilà comment ça c’était passé lorsque nous avons demandé des sous au gouvernement :
On a aussi eu droit à « soit je donnais le fond à une association qui reversait aux TDS, mais alors cela s’apparenterait à du proxénétisme- qui est illégal » (Schiappa dans Tetu) ce qui est du foutage de gueule niveau super-expert ou de la méconnaissance totale des lois car justement l’aide aux TDS de la part des associations n’est pas considéré comme proxénétisme. C’est marqué noir sur blanc Marlène !
Ma communauté a été durement touchée par une vague de suicides suite au déconfinement et comme si tout cela ne suffisait pas, on a enchainé cette rentrée avec un couvre-feu et une extension des arrêtés anti-prostitution (à Toulouse).
Même si on ne terminait donc pas cet épisode sur une note super joyeuse, notre communauté est restée soudée et nous avons continué à remuer ciel et terre pour s’entraider, en France et à l’internationale.
« Confinement épisode 2 »
Bref, pour l’épisode 2, on a redemandé des aides au gouvernement et sans surprise, on nous a claqué la porte au nez. Voilà un article pour résumer un peu la situation : http://ma.lumiere.rouge.blogs.liberation.fr/2020/10/28/ne-veut-pas-parler-de-travailleuses-du-sexe/
C’est, effectivement, un gros foutage de gueule.
Durant l’épisode 1, le Strass, Polyvalence, TaPotePute, Grisélidis et Acceptess-T avaient lancé des cagnottes pour aider les TDS en galère. Il faut savoir que la gestion des cagnottes demande un travail énorme et le Strass et Polyvalence ne peuvent pas se relancer dans un tel projet.
Par contre Grisélidis a relancé une cagnotte (Paypal cette fois) donc si vous ne savez pas quoi faire de vos millions ou si vous souhaitez me faire un cadeau de Noël avant l’heure, voici le lien : Paypal Grisélidis
TaPotePute vient aussi de relancer une cagnotte : https://www.lepotcommun.fr/pot/9dket8gj?fbclid=IwAR0jrL8whk4oeUHXaUkmPRsKlPmItjHL_3lecvxj7gN3geRGWUUdUmKSyng
Quelques articles sur la situation des TDS en ce moment :
Autre article intéressant sur l’auto-organisation des TDS chinoises des Roses d’Acier : https://www.streetpress.com/sujet/1601294663-chinoises-prostitution-paris-organisent-auto-defense?fbclid=IwAR3Le2xbhq22m8DkhsK-flil1U8zyPBF0yiiseVnQL0ug580r2ht_85xS1w
Mot de la fin
Je vais donc finir cet article en vous souhaitant à tous un bon courage, ça risque d’être chaud, surtout moralement (ce n’est pas pour rien que les centres psy sont saturés) alors si vous avez des idées pour qu’on s’épaule un peu les uns les autres, je prends !
Et pour ceux que je connais, si vous vivez une situation compliquée, que vous vous sentez seul face à ça, que vous avez besoin d’écoute, n’hésitez pas à me contacter.
Si vous êtes une collègue en difficulté, ma boite mail est ouverte, je verrai comment je peux vous apporter mon aide
Moi je vais mettre ce confinement à profit pour avancer dans mes articles de blog (je vous conseille de faire le plein de pop-corn et de poser des RTT si vous n’êtes pas confinés, j’ai un peu abusé sur la longueur de certains). Et je vais aussi m’enfiler tous les téléfilms de Noël en buvant les litres de cidre que j’ai ramené de Bretagne.
Je vous embrasse
